Ce 9 décembre au Préau des Chevaliers de Malte, la Municipalité de Fronton a célébré la Journée de la Laïcité. En raison du contexte sanitaire, la cérémonie a eu lieu en format restreint, en présence de M. Hugo Cavagnac, le maire, de Mme Karine Barrière et de M. Pierre Jeanjean, adjoints au maire, de Mme Cécile Rougié, Inspectrice de l’Education nationale, des directeurs des écoles, du collège Alain Savary et du lycée Pierre Bourdieu et du Capitaine Nicolas Goujon, commandant de la Communauté des brigades de Gendarmerie de Fronton.
Après l’intervention de M. le Maire, Jayson Diaz, délégué de l’ULIS, et Inès Moujane, déléguée de classe, élèves au collège Alain Savary, ont expliqué le principe de Laïcité. Les élèves de l’école Marianne ont enregistré le poème « L’homme qui te ressemble » de René Philombé et l’ont illustré de leurs desseins, présentés par Raphaël Petit et Manon Barrau, délégués de classe de CM2. Le recueil d’illustration est disponible à la Médiathèque.
"L'homme qui te ressemble" de René Philombé, par les élèves de l'écoles Marianne
Discours de M. Hugo Cavagnac, maire de Fronton
Madame l’Inspectrice,
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Mon Capitaine,
Chers amis,
Bien chers enfants,
Depuis 2016, nous célébrons chaque année la Journée de la Laïcité. C’est un choix de cœur autant que de raison, un message fort que je veux envoyer à toute notre collectivité. C’est pourquoi, en dépit du contexte sanitaire défavorable et dans le respect de toutes les normes en vigueur, j’ai tenu à ce que nous nous réunissions aujourd’hui.
Un geste simple, mais un message fort pour montrer notre volonté de défendre ce principe fondamental de notre vie en commun qu’est la Laïcité.
Un geste simple pour montrer que la Laïcité est l’affaire de tous, de la plus petite action au plus grand texte de loi.
Un geste durable et vert aussi : depuis 2018, nous plantons des arbres de la Laïcité – au centre-ville d’abord, devant les services de l’Inspection de l’Education nationale ensuite, devant nos écoles cette année. Ce sont des chênes verts, des arbres qui défient le temps, qui symbolisent la sagesse, la liberté, la résistance.
Ces arbres vont grandir avec nos enfants, les racines qui s’ancreront lentement et durablement dans le sol fertile sont aussi les symboles du travail patient de l’instruction de la laïcité pour nos générations d’élèves.
Pays des Lumières dans un monde déjà obscur, la France a trouvé la clef de voûte qui nous a permis d’agencer durablement les droits et les libertés dans l’architecture de notre République. Cet équilibre nous permet d’être des hommes et des femmes libres de penser, de s’appliquer des règles propres à sa vie dans une société où seuls les citoyens fixent ensemble les règles de la vie collective.
Cette clé de voûte est la Laïcité : neutralité des autorités publiques, liberté pour tous de croire ou de ne pas croire.
Depuis plus d’un siècle, depuis les lois scolaires de Jules Ferry des années 1880 et la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905, la Laïcité régit notre vie commune, elle permet nos libertés collectives tout en préservant notre liberté individuelle.
La Laïcité est un principe lumineux, mais il est loin d’être simple car il est un compromis unique, à vrai dire une « exception française ».
Aujourd’hui la Laïcité est un principe fédérateur, mais il ne l’a pas toujours été. L’esprit de compromis de la loi de 1905 prôné par Aristide Briand marquait la volonté d’apaisement des conflits entre concordataires et anticléricaux, entre tolérance et intolérance qui avaient déchiré le pays plusieurs décennies durant.
Portée par la volonté politique, assumée par les églises, la laïcité s’est finalement imposée dans l’affrontement pour devenir la solution pacificatrice d’une société française émancipée, plurielle et libre.
Voilà qu’en ce début du XXIe siècle, ces valeurs que nous pensions sûres sont attaquées de toutes parts et dans leur cœur-même qu’est l’école, ce lieu où nous apprenons à penser librement, à réfléchir par nous-mêmes.
Ce lieu aussi où nous apprenons la différence, où nous apprenons à la comprendre, pour accepter de vivre ensemble.
Bref, la laïcité est attaquée à l’école où nous apprenons à être libres, tolérants et responsables.
Des tueries de Toulouse et Montauban en 2012 à l’assassinat du Professeur Samuel Paty et l’attentant de la cathédrale de Nice cet automne, notre pays est secoué sans cesse par des attentats islamistes.
Des crimes impardonnables, qui ne sont pas des actes scélérats isolés, mais qui dévoilent une réalité de société plus inquiétante : le recul des valeurs républicaines chez les plus jeunes et, par ce fait même, la fragilité de l’avenir démocratique de notre pays, voire de notre continent.
Les enquêtes d’opinion des dernières années confirment toujours l’adhésion majoritaire des Français à la Laïcité et globalement aux valeurs de la République. Toutefois, elles nous montrent aussi que le communautarisme progresse, notamment chez les jeunes et encore davantage chez les jeunes musulmans. Or, qu’est-ce le communautarisme sinon la primauté de l’identité de groupe ? Et qu’en est-il quand cette identité de groupe est contraire aux valeurs de la République ?
Bien sûr, ce combat contre l’obscurantisme, contre une vision politique de la religion est très délicat et il doit être équilibré.
Il faut se garder de confondre la religion et ses extrémistes. Nous ne devons pas devenir des « bouffeurs de curé », des antireligieux qui porteraient ainsi atteinte à la liberté de croire.
Il ne faut pas non plus pas tomber dans des généralisations hâtives, dans des amalgames qui ne seraient au fond qu’une forme de racisme.
C’est d’ailleurs ce que les fondamentalistes religieux ont bien compris en brandissant le concept d’« islamophobie » face à toutes critiques, voulant ainsi nous faire culpabiliser et donc nous faire taire.
Aussi sans tomber au piège de ces dérives, de ces impasses, devons-nous être froidement lucides pour agir au mieux.
Car une évolution inquiétante de notre société a lieu sous nos yeux mêmes et nous ne pouvons plus être aveugle en refusant de « faire des vagues », en nous autocensurant ! Cette évolution concerne les jeunes, son lieu d’expression est l’école, ses cibles sont les enseignants.
Le rapport publié en ce début de novembre par le Comité Laïcité République dévoile que 57% des jeunes musulmans considèrent que la Charia, la loi islamique, est plus importante que la loi de la République, soit 10% de plus par rapport à 2016, et bien plus que l’ensemble des musulmans (38%) !
Il révèle aussi que la très grande majorité des musulmans sont favorables au port des signes ostensiblement religieux à l’école, au travail, dans l’administration, et à la non-mixité des piscines municipales, à l’encontre du principe de neutralité des services publics.
Deux tiers des Français musulmans s’opposent au droit des enseignants à montrer des caricatures de personnages religieux à leurs élèves…
Une étude scientifique menée auprès des lycéens en 2016 montrait qu’un quart des interviewés ne se sentait par concerné par la minute de silence pour la tuerie de Charlier Hebdo et 19% par celle de novembre 2015, pour les attentats au Bataclan…
Une évolution inquiétante de notre société a lieu sous nos yeux mêmes.
Vous allez me dire : en soi, ce fait n’est pas nouveau, l’école a toujours été l’espace où les valeurs républicaines et notamment la Laïcité ont été mises à l’épreuve. Et vous aurez raison.
Toutefois, quelque chose a changé : aujourd’hui une part de notre jeunesse jadis porteuse d’esprit de liberté et de volonté d’émancipation se replie dans la tolérance des actes meurtriers, une autre les considère comme des faits divers et enfin une minorité adopte volontiers l’obscurantisme islamiste comme identité.
Cette jeunesse s’informe et se mobilise sur les réseaux sociaux où la haine se déchaîne, où le suivisme est la règle, où la naïveté n’a aucune chance devant les infox… où les réseaux islamistes ont trouvé leur terrain d’expression et de chasse privilégié.
Ce qui se passe dans nos écoles dépasse donc de loin l’école.
Enseignants ou non, parents d’élèves ou non, nous devons tous nous sentir concernés car il s’agit de notre capacité à vivre ensemble.
La Laïcité n’est donc jamais acquise. Elle est un principe vivant que chaque génération doit défendre.
Au fond, la défense de la Laïcité est un combat de proximité pour la faire comprendre et la faire accepter.
Nous devons travailler partout où l’être-ensemble se construit, où le lien social se noue : dans nos écoles, dans nos communes, dans les centres de loisir, dans nos associations, dans nos administrations.
Vous comprenez dès lors ma volonté de célébrer chaque année la Laïcité ici à Fronton. Notre commune accueille un parcours scolaire complet : 2500 jeunes, élèves, collégiens, lycéens, sont réunis sur le temps scolaire.
Nos associations sportives et culturelles sont nombreuses et vivantes.
Nos services publics et au public sont nombreux et nous nous appliquons à multiplier et à adapter cette offre.
Si cela implique des coûts financiers significatifs, le bénéfice pour la République est sans prix.
Affirmer et défendre la laïcité est donc pour nous un devoir de premier ordre. Nous agissons donc par des gestes pacifiques, mais non moins fermes. Nous ne pouvons pas obliger nos enfants à être libres et raisonnables, nous devons en revanche les éduquer à le devenir, les aider à comprendre par eux-mêmes le sens et la valeur de nos principes républicains.
Ayant gardé pour la commune la compétence de la prise en charge des enfants de 3 à 11 ans, nous avons construit un projet éducatif territorial ambitieux, co-écrit avec les éducateurs et les parents. Les activités péris- et extrascolaires du Service Enfance développent chez nos enfants la liberté de l’esprit, l’autonomie de la pensée, la curiosité et l’ouverture au monde.
Enfin une originalité depuis 2019, notre Médiathèque organise, en partenariat avec l’association SEVE inspirée par Frédéric Lenoir, des ateliers philosophiques à destination des élèves de CM2 dont l’objectif est justement l’apprentissage de la pensée critique et du débat démocratique.
D’autres initiatives verront bientôt le jour. Nous devons associer les jeunes à la vie municipale pour leur instiller le sentiment du partage et de la responsabilité. Nous mettrons en place un Conseil municipal des jeunes qui validera des projets qui leur tiennent à cœur.
Nous renforcerons l’accompagnement au numérique pour leur apprendre à s’informer, choisir leurs sources et ne plus tomber dans les pièges tendus par les esprits malveillants qui animent si souvent, hélas, les réseaux sociaux.
La défense de la Laïcité est un combat de longue haleine, que nous sommes résolus à mener, avec endurance et ténacité, car c’est la défense même de la République.
Vive la France, vive la Laïcité.
Merci pour votre attention.